Police municipale et vidéoprotection : un rapport de la Cour des comptes particulièrement édifiant
La Voix du Nord vient de consacrer une série d'articles à la vidéosurveillance qui ont donné l'occasion à Steeve Briois, le maire d'extrême droite d'Hénin-Beaumont de fustiger son opposition municipale. A l'en croire, si "les élus d'opposition les plus bêtes de France" sont contre la vidéosurveillance, c'est "sans doute pour protéger la racaille".
J'ai toujours été contre la vidéosurveillance, instrument d'une société de contrôle qui renvoie au panoptique décrit par Michel Foucault dans Surveiller et punir.
Je suis contre la vidéosurveillance parce que j'ai lu 1984 de George Orwell.
La vidéosurveillance et les techniques de reconnaissance faciale permettent aujourd'hui à la Chine de repérer et d'emprisonner manifestants et opposants.
Mais je suis aussi contre la vidéosurveillance parce qu'aucune étude scientifique sérieuse n'a démontré sa plus grande efficacité, à moyens identiques, que la présence humaine.
Je suis contre la vidéosurveillance parce que je suis pour la police de proximité.
Je suis contre la vidéosurveillance parce que la prévention sera toujours plus efficace que la répression, qui survient toujours après coup, qui arrive toujours trop tard.
La délinquance et le terrorisme reculent quand on construit des écoles, des théâtres et des bibliothèques, pas quand on installe des caméras et qu'on construit des prisons...
Je suis contre la vidéosurveillance parce que la sécurité devrait relever de l’État, garant de l'égalité de tous et toutes sur le territoire de la République, et pas des maires transformés en shériffs avec leurs polices municipales et leurs caméras de surveillance.
Développer des polices municipales et de la vidéosurveillance, c'est cautionner le recul de l’État, le recul de la République et concourir à l'aggravation des inégalités territoriales entre communes pauvres et communes riches.
Ancien élu municipal, je me suis toujours opposé à la vidéosurveillance et à l'armement des policiers municipaux pour des raisons éthiques et de principe parce que je suis un républicain attaché à l'égalité et aux libertés publiques.
Aujourd'hui, et quoi qu'en dise le référent sûreté de la DDSP au journaliste de la Voix du Nord, aucune corrélation globale n'a pu être démontrée entre la vidéosurveillance et le niveau de la délinquance ou les taux d'élucidation. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des Comptes, qui n'est pas connue pour être un repère de droits de l'hommistes gauchistes, dans son rapport d'octobre 2020 sur les polices municipales dont nous citons des extraits et que nous mettons en ligne sous l'article... Par contre, comme je l'ai toujours affirmé au Conseil municipal, la Cour des Comptes écrit que l'on constate une baisse des interventions de la police nationale là où des communes ont mis en place des polices municipales étoffées. La Cour, qui dispose de renseignements beaucoup plus complets et à l'échelle nationale que le fonctionnaire de police interviewé dans le journal parle à ce sujet d'un "effet de substitution".
Clairement, ce rapport de la Cour des Comptes valide les analyses que j'ai toujours faites et les positions de vote que j'ai toujours adoptées en conseil municipal durant le mandat précédent.
Les propos inqualifiables de Steeve Briois qui nous accuse mes anciens collègues et moi d'être complices des délinquants, voire des terroristes sont l’œuvre d'un démagogue d'extrême droite méprisable dénué de tout respect pour l'opposition républicaine et le débat démocratique. Les propos de cet individu coutumier de l'appel au lynchage sont graves en plus d'être stupides, à l'image de leur auteur. On ne peut que l'inviter à lire le rapport de la Cour des Comptes...
"Faute d’études statistiques et d’évaluations indépendantes, l’efficacité de ces politiques a longtemps fait débat en France. Aujourd’hui, selon ses partisans, la vidéoprotection permet de contrôler les conditions de respect de la sécurité, de la sûreté ou de l’exécution d’une procédure particulière, tout particulièrement s’agissant des systèmes installés dans les réseaux de transport. La police et la gendarmerie nationale soulignent l’intérêt de ces dispositifs, soit en soutien aux opérations de services d’ordre et de maintien de l’ordre, soit à des fins d’investigation judiciaire, et déclarent inciter les maires à se doter de tels dispositifs. Selon ses détracteurs, la vidéoprotection ne réduirait pas la petite délinquance, mais la déplacerait vers des zones non surveillées, phénomène dénommé «effet plumeau».
Au vu des constats locaux résultant de l’analyse de l’échantillon de la présente enquête, aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation."
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"Les polices municipales [...] tendent à s’assimiler aux unités de voie publique de la police nationale, au-delà du partage des tâches initialement prévu par les conventions de coordination qui sont censées organiser leurs relations. Il est difficile de savoir si ce phénomène est l’effet de l’occupation, par les polices municipales, du vide créé par un moindre engagement des policiers nationaux, ou bien d’une moindre implication de la police nationale faisant suite à la montée en puissance des moyens municipaux. Les données disponibles ne permettent en effet pas de conclure définitivement, mais l’on constate une baisse des interventions de la police nationale dans les communes dotées d’une police municipale étoffée. Cet effet de substitution est par exemple particulièrement notable pour les interventions pour tapage nocturne : [...] le nombre d’interventions de la police nationale baisse d’année en année alors que les interventions de la police municipale se multiplient et finissent par dépasser celles des forces nationales."