N’imagine pas que les salauds ne sont pas là, qu’ils ne s’occupent pas de toi, moi, je sais qu’on les frôle, et tout à l’heure, moi-même, je me suis cassé la gueule, j’ai failli me faire avoir, sans méfiance comme toi, alors maintenant, je les vois partout, ils sont là, ils nous touchent, les pires des salauds que tu peux imaginer, et qui nous font la vie qu’on a : pour moi, je les croyais invisibles, cachés là-haut, au-dessus des patrons, au-dessus des ministres, au-dessus de tout, avec des gueules de tueurs, de violeurs, de détourneurs d’idées, avec des gueules qui ne sont pas de vraies gueules comme toi ou moi, et qui n’ont pas de nom : le clan des entubeurs, des tringleurs planqués, des vicieux impunis, froids, calculateurs, techniques, le petit clan des salauds techniques qui décident : l’usine et silence !, (et l’usine, moi, jamais !), l’usine et vos gueules ! (et si ma gueule, je l’ouvre ?), l’usine, vos gueules, et on a le dernier mot – et ils ont le dernier mot, le petit nombre de baiseurs qui décident pour nous, de là-haut, organisés entre eux, calculateurs entre eux, techniques à l’échelle internationale – l’échelle internationale !
Bernard-Marie KOLTES La nuit juste avant les forêts
A voir au Festival d'Avignon Off
du 10 juillet au 02 août
18h
Théâtre du Vieux Balancier
Par la Compagnie Pourquoi
Tarif plein 15 € / Carte Off 11 €