La journaliste de La Voix du Nord veut voir dans la plaquette commune des Scènes Associées un cache-misère bien commode qui permettrait à l’Escapade de cacher la pauvreté de sa saison culturelle, imputable en particulier aux difficultés financières de la ville.
Je conteste absolument cette vision des choses, que semble partager Patrick Piret sur son blog, mais qui fait peu de cas du travail fourni par l’équipe de l’Escapade. Je me demande d’ailleurs ce qu’aurait écrit Patrick Piret si j’avais répondu : « Oui, Madame Morello, vous avez raison, le programme culturel 2008-2009 est pauvre en raison d’une baisse attendue de la subvention municipale que l’on m’impose ! ».
Remettons les choses au clair.
Le budget 2007 de l’Escapade, approuvé en juin par le Conseil d'Administration s’élevait à 970 851 €, contre 778 658,83 € en 2006, 584 342,93 € en 2005 et 581 278,95 € en 2004.
Si le budget de l’Escapade est ainsi en augmentation constante depuis 2004, c’est d’abord grâce à l’engagement de la ville d’Hénin-Beaumont qui est, et de très loin, le premier partenaire de l’Escapade avec en 2008, une subvention votée au budget primitif de 518 000 € (495 000 € + 23 000 € liés à des actions développées dans le cadre du CUCS). La subvention de la ville d’Hénin-Beaumont, qui a constamment augmenté depuis 2004 représentait en 2008 53 % du budget de l’Escapade.
De son côté, la région accompagne l’Escapade avec une subvention de 55 000 €, le département avec une subvention de 59 000 € et l’agglomération avec une subvention de 17 000 € dans le cadre du 60 centimes d’euro par habitant.
Sur les quatre années écoulées, il n’y a donc aucun procès à faire à la ville d’Hénin-Beaumont et la recherche d’une stabilisation ou d’une petite baisse conjoncturelle ne me paraît pas quelque chose d’absolument aberrant pour peu qu’elle soit pensée sur plusieurs années ; je ne ferai pas d'une petite baisse conjoncturelle intervenant dans une baisse structurelle programmée un casus belli avec le reste de la majorité. Par contre, le service culturel et l'Escapade vont travailler sur une nouvelle convention-cadre qui devrait nous mettre à l'abri des à-coups et sécuriser l'Escapade sur plusieurs années.
Cette stabilisation est d’ailleurs recherchée par l’équipe de l’Escapade. Sur la saison 2007-2008, 97 spectacles ont été joués : concerts, petites formes dans les quartiers, pièces de théâtre, soirées slam, restitutions d’atelier... Sans les mois de juillet et août, on arrive à une moyenne d’un spectacle tous les trois jours.
Ce rythme élevé a des conséquences par exemple sur les pratiques amateurs : les participants des ateliers théâtre – dont je suis – n’ont pratiquement jamais pu répéter en plateau.
C’est bien évidemment sous cet angle qu’il fallait comprendre ma phrase « On était bien obligé de freiner. On ne pouvait pas continuer comme ça. » Je confirme à Patrick Piret qui m’accuse à nouveau d’on ne sait quelle trahison que tout le monde à l’Escapade, du directeur aux techniciens, convient qu’une petite baisse de régime est nécessaire pour que l'Escapade retrouve un rythme de croisière.
Venons-en aux Scènes Associées. Depuis la saison 2007-2008, l’Escapade est engagée, avec l’Arc-en-Ciel de Liévin, la MAC de Sallaumines et l’espace Ronny Coutteure de Grenay dans un réseau des scènes conventionnées du bassin minier. Les 4 Scènes Associées ont édité en 2007-2008 une plaquette commune pour le jeune public et co-produit ensemble plusieurs spectacles.
Les Scènes Associées nous renforcent, elles décuplent l’offre culturelle proposée aux habitants, elles créent de l’identité, elles créent un véritable territoire culturel à l’échelle du bassin minier. Pour les compagnies dont les spectacles sont co-produits, le réseau des scènes associées permet de multiplier les dates de spectacles, c’est un avantage évident qui sécurise les compagnies sur le plan financier comme sur le plan artistique.
En 2008-2009, les Scènes Associées vont plus loin en éditant deux plaquettes communes sur l’ensemble de leur programmation. La première plaquette couvre la première partie de la saison, de septembre à janvier.
Je suis absolument convaincu de la pertinence de la démarche des Scènes Associées, qui n’est pas, contrairement à ce que laisse entendre l’article qu’un simple moyen de « compter sur les voisins pour combler les trous ».
Anna Morello a mille fois raison d’écrire que la culture peut être aussi moteur pour le développement économique d’un territoire. Je partage absolument ce point de vue.
A cet égard, l’arrivée prochaine du Louvre-Lens est une chance pour notre secteur et un défi pour nos centres culturels. Nous rêvons tous d’un « effet Bilbao » ; en se constituant en réseau, l’Escapade et les scènes associées anticipent l’arrivée du Louvre-Lens et préparent les conditions d’un travail en commun fructueux, dans le respect des spécificités et des identités de nos centres culturels.
Qui répondra à ce défi ? Etranglées financièrement par les dettes et les fermetures d’entreprises, les communes et les agglomérations sont désarmées et ne peuvent suppléer au désengagement de l’Etat au moment même où le département et la région demandent aux communautés d’agglomérations de s’engager en signant des conventions avec les centres culturels.
Sur le secteur d’Hénin-Carvin, la communauté d’agglomération a pris la compétence optionnelle en matière de culture, mais la situation économique lui interdit dans l’immédiat tout engagement financier plus important. Malgré d’importantes économies sur la culture et le sport (on est passé de 1 € par habitant à 60 centimes d’euro), la part CAHC de la taxe foncière a bondi de 173 %.
Les DRAC ont de moins en moins de moyens, les subventions CUCS (Contrat Urbain de Cohésion Sociale) ont été réduites de 50 à 25 % sur la plupart des projets culture, jeunesse et citoyenneté et on annonce un nouveau mode de calcul de la Dotation de Solidarité Urbaine qui ne prendra plus en compte le nombre de logements sociaux. Pour une commune comme Hénin-Beaumont, la DSU pourrait accuser une baisse de 15 ou 20 %, une véritable catastrophe.
Faut-il accuser Gérard Dalongeville et Jean-Pierre Corbisez ? Si c’est la voie choisie par Patrick Piret, ce n’est pas la mienne !
Je partage en tout point l’analyse de Bernard Czerwinski interrogé hier matin dans La Voix du Nord et qui appelle à mettre la pression sur l’Etat. « On a intérêt à être beaucoup plus offensif à l’agglo par rapport à la solidarité nationale. On vit dans une région où on a une tradition de lutte et j’ai l’impression qu’on est actuellement à la traîne là-dessus. Il faut associer la population et interpeller officiellement le Président de la République, le Premier ministre, aller à Paris, sortir les banderoles… »
Je suis prêt à le faire. Visiblement, ce n'est pas encore le cas de Patrick Piret, qui a choisi, une fois de plus de me mettre personnellement en cause. Dommage.