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Le blog de David Noël, militant communiste, syndicaliste et défenseur des droits de l'homme du Pas-de-Calais

Le blog de David Noël, militant communiste, syndicaliste et défenseur des droits de l'homme du Pas-de-Calais

Ce blog politique est animé par David Noël, militant communiste, syndicaliste enseignant, défenseur des droits de l'homme et ancien adjoint au maire, conseiller communautaire et conseiller municipal PCF d'Hénin-Beaumont.


La presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de L'Echo du Nord

Publié par David NOËL sur 6 Août 2006, 09:58am

Catégories : #Notes de lecture

Jean-Paul Visse, qui a été chargé de cours à l'Université de Lille III et à l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille avant de devenir maître de conférences à l'Institut catholique de Lille, a signé, avec La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l'Echo du Nord, paru en 2004 aux Editions du Septentrion (20 €), un ouvrage d'un grand intérêt historique et facile d'accès qui sera utile non seulement aux historiens, mais aussi à tous ceux, militants ou simples curieux qui s'intéressent à l'histoire de la presse.

L'Echo du Nord, fondé par l'imprimeur Vincent Leleux en 1819 et qui devient Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais après la Première Guerre mondiale est le titre phare d'une presse régionale dynamique tout au long du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle.

Jean-Paul Visse montre bien que sous la Restauration, malgré la surveillance étroite des préfets aux ordres du roi, des hommes comme Vincent Leleux à L'Echo du Nord ou Frédéric Degeorge au Propagateur du Pas-de-Calais sont des militants avant d'être des hommes d'affaires. A une époque où les journaux ne s'adressent qu'à une élite (en 1829, seuls 45 % des conscrits sont capables de lire et le prix d'un abonnement représente deux à trois semaines de salaire pour un ouvrier), la presse régionale fait beaucoup pour la diffusion des idées libérales : pendant les Trois Glorieuses de juillet 1830, 10 000 personnes s'assemblent sur la Grand Place de Lille devant l'immeuble de L'Echo du Nord pour protester contre le coup de force du roi Charles X.

La déception sera à la mesure des espoirs engendrés par la Monarchie de Juillet : avec le durcissement du régime, L'Echo du Nord et Le Propagateur du Pas-de-Calais, devenu Le Progrès du Pas-de-Calais repassent dans l'opposition et sont victimes d'innombrables procès. Leur tirage progresse et de nouveaux titres apparaissent dans les années 1840, comme Le Messager du Nord, d'Alphonse Bianchi, partisan des Républicains et qui s'intéresse à la question sociale alors que L'Echo du Nord soutient la Gauche Dynastique. A la veille de la Révolution de février 1848, L'Echo du Nord tire à 6 000 exemplaires et Le Messager du Nord atteint les 4 000 exemplaires.

Les journaux du Nord et du Pas-de-Calais accueillent généralement avec enthousiasme la République. L'arrondissement d'Hazebrouck a son journal républicain avec L'Ami du peuple. Mais Le Courrier du Pas-de-Calais reste royaliste et partisan de l'ordre, comme Le Mémorial de la Scarpe, publié à Douai et qui devient L'Indépendant. Les catholiques ont leur journal avec La Liberté.
Quant aux grands journaux que sont L'Echo du Nord, Le Messager du Nord et Le Progrès du Pas-de-Calais, ils deviennent quotidiens sous la Seconde République. Les polémiques entre les républicains modérés de L'Echo du Nord et les républicains avancés du Messager du Nord et du Progrès du Pas-de-Calais sont fréquentes.

La presse du Nord et du Pas-de-Calais condamne dans l'ensemble le coup d'Etat du 2 Décembre 1851 et est victime de la répression. L'Echo du Nord et le Progrès du Pas-de-Calais sont en liberté surveillée. L'Ami du peuple et l'Echo de Cambrai disparaissent, comme La Liberté, qui doit fermer en 1854. En 1857, c'est le Progrès du Pas-de-Calais qui disparaît, assurant au très gouvernemental Courrier du Pas-de-Calais, qui compte alors 3 400 abonnés un quasi monopole dans le département.

De nouveaux journaux font leur apparition. En 1856, Jean-Baptiste Reboux fonde le Journal de Roubaix, un journal libéral acquis aux intérêts des industriels roubaisiens. En 1867, c'est Gustave Masure qui lance le Progrès du Nord.

Après 1870, de nouveaux journaux font leur apparition comme L'Avenir d'Arras et du Pas-de-Calais, de sensibilité républicaine, qui atteint une diffusion de 25 000 exemplaires en 1881. Dans l'ensemble, les journaux du Nord et du Pas-de-Calais condamnent les événements de la Commune, à l'exception du Travailleur du Nord, fondé par Edouard Losson en février 1871, mais qui sera saisi et supprimé le 11 mai.

L'ordre moral marque un net durcissement à l'égard des journaux républicains comme Le Progrès du Nord et L'Avenir d'Arras et du Pas-de-Calais, plusieurs fois poursuivis et condamnés à de lourdes amendes.

Les années 1881-1914 sont le véritable âge d'or de la presse nordiste. Les grands quotidiens impriment chaque jour deux éditions, leur édition du soir, imprimée à format réduit et vendue à 5 centimes est la plus lue dans les milieux populaires.
En 1885, la petite édition de L'Echo du Nord est tirée à 45 000 exemplaires, contre 6 500 pour la grande. L'édition du soir du Progrès du Nord est tirée à 17 000 exemplaires contre 2 000 pour l'édition du matin. Le tirage du Petit Nord, apparu à Lille en 1878 et proche des radicaux culmine à 30 000 exemplaires.

Le développement des idées socialistes dans la région se traduit par l'apparition des premiers journaux socialistes : Gustave Jonquet, un libraire lillois lance le Forçat en 1882. Il est tiré à 4 000 exemplaires. Plusieurs fois interdit, le journal reparaîtra plusieurs fois sous différents titres : La revanche du forçat, Le Cri du forçat, L'Exploité, Le Cri de l'ouvrier, Le Cri du travailleur... En 1891, Le Cri du Travailleur redevient Le Travailleur. Toujours imprimé par Gustave Delory, il soutient Jules Guesde et Paul Lafargue, élu député (POF) en octobre 1891.

En 1889, Claude Cazes et Edouard Delesalle fondent Le Réveil du Nord, qui s'impose très progressivement comme le grand quotidien socialiste de la région. Malgré la fusion avec Le Travailleur en 1895, sa diffusion tombe de 25 000 à seulement 7 000 exemplaires pour remonter à 22 000 exemplaires durant la campagne municipale et cantonale de 1896. En 1900, Delesalle est exclu du POF et rejoint le PSF de Jaurès, plus modéré. La ligne éditoriale du Réveil du Nord se fait moins radicale.

Les catholiques ne sont pas en reste et fondent La Dépêche et La Croix du Nord dont les tirages atteignent rapidement les 25 000 exemplaires. Le Journal de Roubaix, catholique et conservateur vend 10 000 exemplaires de sa petite édition chaque soir et 650 exemplaires de sa grande édition matinale.

Pendant la Première Guerre mondiale, les grandes villes de la région sont occupées. Les journaux lillois cessent de paraître. Les Allemands publient un bulletin d'informations imprimé sur les presses de L'Echo du Nord.

En zone non occupée, Le Télégramme du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme a multiplié son tirage par 5. Avec ses cinq éditions et son édition du soir, il est tiré à 100 000 exemplaires quotidiens.

Les années de l'après-guerre sont des années fastes pour la presse nordiste. Si un certain nombre de titres ne se relèveront pas de la guerre, les grands quotidiens régionaux se modernisent et voient leur diffusion progresser.

Dirigé par Gustave Dubar, puis par Jean Dubar, secondé par Emile Ferré au poste de rédacteur en chef, Le Grand Echo, avec ses 7 éditions locales sur 6 à 8 pages et ses 2 parutions (L'Echo du Nord et Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais) confirme sa suprématie. En 1914, Le Grand Echo tirait à 180 000 exemplaires. Dès 1922, il tire à 200 000 exemplaires quotidiens et atteint les 280 000 exemplaires en 1928.

Proche de la SFIO et des radicaux, Le Réveil du Nord qui a soutenu le Cartel des Gauches tire à 238 000 exemplaires au lendemain des législatives de 1928. A la même date, La Croix du Nord tire à 49 500 exemplaires.
Si Le Progrès du Nord, tombé à 3 500 exemplaires en 1930, devient hebdomadaire et disparaît en janvier 1932, Le Journal de Roubaix de Mme Reboux conforte ses positions ; il tire à 118 000 exemplaires par jour, pour 110 000 numéros vendus en janvier 1923. Quant au Télégramme du Nord, après s'être lancé à l'assaut du lectorat du Nord, il doit se replier dans le Pas-de-Calais où il tire à 40 000 exemplaires quotidiens.

L'apparition de la SFIC va donner naissance aux premiers journaux communistes, d'abord l'hebdomadaire Le Prolétaire, fondé le 14 février 1920 par Clotaire Delourme, puis en mai 1923, L'Enchaîné du Nord et du Pas-de-Calais, dont le directeur politique est Guy Jerram, secrétaire de la Fédération du Nord du Parti Communiste.
Doté de sa propre imprimerie en mars 1925, L'Enchaîné devient quotidien en octobre 1926. Il se dote également d'une édition du Pas-de-Calais. En janvier 1927, il tire à 40 000 exemplaires, pour 30 000 exemplaires vendus, notamment dans les arrondissements de Douai et de Valenciennes. En février 1927, L'Enchaîné doit redevenir hebdomadaire (il le reste jusqu'en 1939). Les ventes tombent à 14 000 exemplaires.

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais est devenu le deuxième quotidien de province, avec un tirage de 320 000 exemplaires par jour.
Le Réveil du Nord tire à 240 000 exemplaires, Le Journal de Roubaix à 70 000, La Croix du Nord à 40 000.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la presse régionale passe sous le contrôle de l'occupant. La plupart des grands journaux continuent de paraître, mais ils sont sévèrement censurés et perdent tout crédit auprès de la population. Les Allemands nomment bientôt des directeurs politiques comme Charles Tardieu au Grand Echo, Leclercq au Réveil du Nord ou Tulliez au Journal de Roubaix, qui prônent la collaboration intégrale avec l'occupant.

Le premier numéro de La Voix du Nord paraît le 1er avril 1941. L'Enchaîné, imprimé et diffusé clandestinement, n'a jamais cessé de paraître.

A la Libération, tous les quotidiens qui ont continué à paraître sous l'Occupation disparaissent, à commencer par Le Grand Echo.

La Voix du Nord et L'Enchaîné devenu Liberté se partagent les imprimeries, les biens et les anciens locaux du Grand Echo, sur la Grand Place de Lille.
Les biens du Réveil du Nord sont confiés au nouveau quotidien de la SFIO, Nord-Matin. Ceux du Journal de Roubaix passent au nouveau quotidien des chrétiens progressistes - et bientôt du MRP - Nord-Eclair. La Croix du Nord reparaît.

Ces nouveaux titres qui naissent à la Libération existent encore pour la plupart d'entre eux, même s'ils ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils ont représenté au lendemain de la guerre, mais ceci est une autre histoire.

Le livre de Jean-Paul Visse est en tout cas une mine d'informations sur la presse régionale. Richement illustré, il se lit comme un livre d'aventures, les aventures de ces pionniers de la presse qui ont fait des premières feuilles confidentielles réservées à une élite sociale ce qui est aujourd'hui devenu ce qu'on a parfois nommé "le quatrième pouvoir".

A l'heure où la crise de la presse écrite frappe de plein fouet la presse nationale (France Soir, Libération...) comme régionale, c'est aussi avec une certaine nostalgie que l'on lira le livre de Jean-Paul Visse ; mais cette nostalgie ne doit pas rendre défaitistes les militants du mouvement social : les journaux du Parti Communiste, Liberté Hebdo et Liberté 62 sont encore bien vivants. A nous de les aider à se développer en nous y abonnant, en les faisant connaître, en offrant un abonnement à nos amis...
La lutte contre le capitalisme néolibéral passe aussi par le développement d'une presse indépendante des puissances d'argent comme l'avaient rêvé les rédacteurs du programme du CNR !
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