Austérité : l’Europe cède à l’autoritarisme.
Les chefs d’État des Vingt-Sept ont décidé de se doter de moyens de coercition pour forcer les États membres à en passer obligatoirement par la case de l’austérité.
L’idée, c’est que pour ramener le plus vite possible les déficits et l’endettement publics dans les clous du pacte de stabilité (soit respectivement 3 % et 60 % du PIB), chacun soit contraint d’avaler la purge.
De gré ou de force. Hors cette régression sociale généralisée, programmée déjà dans plusieurs pays – et dont fait partie la contre-réforme française des retraites –, il n’y aurait, affirment-ils, pas moyen de rassurer les marchés financiers et de sauver un euro en capilotade.
Les budgets doivent ainsi être placés sous la surveillance renforcée de la Commission, le moindre « extra » d’un État sera soumis, au nom de la « bonne gouvernance », à l’autorisation de ses « pairs », les autres membres du Conseil européen. Quant aux parlementaires nationaux, ils n’auront plus qu’à discuter à la marge de la pertinence de choix préexaminés et au besoin corrigés par les instances bruxelloises. Le couple franco-allemand veut même aller jusqu’à suspendre les pays trop « laxistes » de droit de vote au Conseil européen. Et tant pis si l’on s’assoit sur la démocratie.
Les États se sont tous surendettés après le krach de 2008 pour voler au secours d’un système bancaire et financier rendu exsangue par l’explosion de la bulle spéculative dont il s’est nourri des décennies durant. Et il faut maintenant que les États, les contribuables, les peuples acceptent de régler l’addition au prix fort. Et qu’ils ne puissent surtout pas s’aviser d’objecter quoi que ce soit au bien-fondé de la démarche.
Il y va de la survie d’un système à bout de souffle, pour lequel il faudrait tout sacrifier. Qu’on fasse taire les gueux, aurait-on dit à la Cour dans un autre contexte de fin de règne dans les années 1780. Et tant pis pour l’aspiration à dépasser ce régime pas encore ancien, toujours voué aux rentiers, donc à la course au rendement des titres boursiers.
La démocratie avait déjà été piétinée en France ou aux Pays-Bas, quand les peuples ont « voté mal » en se prononçant, on s’en souvient, contre le texte proposé à leurs suffrages, cet habillage de la dictature des marchés en loi fondamentale européenne. Il faut défendre ces acquis démocratiques menacés et appuyer les résistances qui s’affirment depuis les grèves générales grecques, portugaises ou prochainement espagnoles jusqu’au rassemblement du 24 juin en France pour la retraite à soixante ans. Car la saignée ordonnée par les Diafoirus de l’UE et du FMI risque de tuer dans l’œuf une croissance déjà poussive.
En fait de guérison, c’est un nouveau plongeon de l’Europe dans la récession qu’elle promet. En fait, à l’inverse de la dérive autoritaire célébrée hier à Bruxelles, c’est une extension inédite de la démocratie qui serait indispensable pour répondre aux défis du moment. Il ne faut pas rationner les dépenses utiles à l’emploi, la recherche, la formation, la protection de l’environnement. Mais tout au contraire en favoriser le financement par le crédit bancaire avec des taux d’intérêt très bas, en bouleversant les critères de sélectivité si favorables aujourd’hui aux opérations spéculatives.
Pour ouvrir la voie d’une Europe réellement solidaire et unie, comme de la nouvelle civilisation qui frappe à la porte.