Marine Le Pen se réclame du christianisme sans le comprendre
Intéressant, le dossier que consacre La Croix du Nord de vendredi dernier à Marine Le Pen. Interviewé par l'hebdomadaire catholique régional, l'abbé Loxhay dénonce sans ambiguïté le front national à qui il ne faut "pas céder d'un pouce", ajoutant que "le Front national, c'est l'antichristianisme".
Il suffit pour s'en convaincre de lire la réponse de Marine Le Pen à la question qui lui est posée sur la peine de mort. La présidente du FN tient à la peine de mort. Comment peut-elle se dire chrétienne et se réclamer de la peine de mort ? Les Evangiles sont sans doute, avec "le dernier jour d'un condamné" de Victor Hugo, le texte le plus anti-peine de mort qui soit ! Jésus de Nazareth, ce réformateur juif qui prêchait une piété personnelle et dénonçait l'attitude des Saducéens à la tête du Temple de Jérusalem qui collaboraient avec les Romains a été condamné à mort pour blasphème et exécuté par les Romains qui le considéraient comme un personnage séditieux alors qu'il n'a manifestement jamais eu l'intention d'organiser une insurrection anti-romaine en Palestine.
C'est un condamné à mort innocent qui est exécuté sur l'ordre du procurateur romain de Judée, Ponce Pilate. Jésus est exécuté par crucifixion, comme un esclave, d'une façon barbare. A l'époque, les nobles avaient le privilège d'être décapités ou de se suicider, on pense au suicide de Sénèque qui se donne la mort en s'ouvrant les veines dans son bain.
La crucifixion, infligée aux compagnons de Spartacus ou à Jésus est un mode d'exécution particulièrement atroce. Le condamné à mort agonise pendant des heures avant de mourir d'asphyxie.
La lecture des Evangiles, alors que j'étais encore un enfant qui allait au catéchisme, m'a définitivement convaincu de la barbarie de la peine de mort, qui est condamnée de la façon la plus claire par Jésus dans l'épisode de la femme adultère (illustré ici par le tableau de Nicolas Poussin) : condamnée à être lapidée, la femme adultère est sauvée par l'intervention de Jésus : "Que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première pierre !". Honteuse, la foule se disperse, la femme adultère est sauvée.
Militant du mouvement ouvrier, je me suis éloigné des Evangiles dès l'adolescence. Marxiste et athée, j'ai retrouvé dans le syndicalisme, dans l'engagement communiste, dans le combat pour les droits de l'homme cet idéal de fraternité et de générosité qui m'avaient plu enfant lorsque j'allais au catéchisme. A la différence que les militants du mouvement ouvrier n'attendent pas le Royaume de Dieu, ils se battent pour changer le monde ici et maintenant, comme beaucoup de croyants peuvent le faire à leur manière.
Marine Le Pen, elle, se réclame du christianisme et défend la peine de mort. Comment peut-elle ne pas se rendre compte qu'il y a incompatibilité entre les Evangiles et la peine de mort ? En réalité, Marine Le Pen n'a rien compris au christianisme. L'abbé Loxhay a raison : "le Front national, c'est l'antichristianisme". Comme les maurassiens de l'Action Française, Marine Le Pen et son parti défendent l'Eglise comme institution, une institution conservatrice, garante de l'ordre social, au service des puissants...
Le grand érudit Alfred Loisy le disait : "Jésus prêchait le Royaume, mais c'est l'Eglise qui est venue". De grands écrivains chrétiens comme Lamennais l'ont écrit magnifiquement, le message de Jésus est un message révolutionnaire qui s'adresse aux humbles et le soutien de la hiérarchie ecclésiastique à des régimes conservateurs constitue une trahison absolue et la négation des Evangiles. A cet égard, le christianisme conservateur de Marine Le Pen est une imposture. La présidente du FN se dit chrétienne, mais n'en défend que l'institution et prône l'inverse de ce qui fonde les valeurs chrétiennes. Le Front national, c'est bien l'antichristianisme. Décidément, ce dossier de La Croix du Nord est très éclairant...