Un déjeuner dans l'arrière-salle du Pipeline, un bistrot populaire de Gennevilliers, banlieue communiste des Hauts-de-Seine. Un trajet filmé dans le métro parisien qu'il emprunte régulièrement – Jean-Luc Mélenchon n'a pas le permis de conduire. Un siège de campagne nommé L'Usine et situé aux Lilas (Seine-Saint-Denis). Et quatre rencontres avec des salariés en lutte en trois jours…
Le candidat du Front de gauche (Parti de gauche et Parti communiste) ne ménage pas sa peine pour apparaître comme proche des classes populaires, comme le "candidat des ouvriers", titre que Marine Le Pen s'est attribué.
En cette rentrée, l'ancien socialiste martèle : "Résistez et prenez le pouvoir !" Une formule qu'il a étrennée lors de son déplacement à Amiens, mercredi 4 janvier, pour soutenir Xavier Mathieu, le leader des salariés de l'usine Continental de Clairoix (Oise), jugé en appel pour refus de prélèvement ADN.
"DES MODÈLES ALTERNATIFS EXISTENT"
Ce slogan, les ouvriers de Petroplus, à Petit-Couronne (Seine-Maritime), et ceux de l'imprimerie M-Real, à Alizay (Eure), dont les emplois sont menacés, devraient aussi l'entendre, vendredi 6 janvier, à l'occasion de visites du candidat. "L'objectif, c'est de disputer le terrain à l'abstention, explique M. Mélenchon. Aucun projet ne tient debout s'il passe à côté de 50 % de la population."
Il a également annoncé que les députés Front de gauche présenteront une proposition de loi visant à instaurer un droit de préemption pour les salariés quand ils estiment que leur direction met en péril l'avenir de la société.
Une rencontre dans l'entreprise Chèque Déjeuner, organisée en société coopérative et participative (SCOP), et une autre dans une régie de quartier d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), jeudi, ont aussi été l'occasion de mettre l'accent sur l'économie sociale et solidaire. "Il faut affirmer que des modèles alternatifs existent", estime M. Mélenchon.
Cette stratégie vise à se démarquer de François Hollande et à lutter contre la tentation du "vote utile". La tâche est cependant plus difficile depuis que le candidat socialiste enchaîne les visites d'usines. Jean-Luc Mélenchon ne s'est donc pas privé de souligner son absence aux côtés de Xavier Mathieu alors que tous les autres candidats de gauche à la présidentielle étaient présents. "Il n'est jamais là, s'est-il agacé. Pour la première fois, demain [jeudi], il va dans une entreprise en lutte . Mais il faut faire un effort et s'exposer un peu."
"MARQUER SA DIFFÉRENCE"
Depuis le début de l'année, fini les attaques frontales contre le député de la Corrèze – comme le "capitaine de pédalo" ou la campagne au goût de "fromage lyophilisé". La direction du PCF assure n'y être pour rien même si Pierre Laurent, son secrétaire national, finit par lâcher: "C'est normal qu'on hiérarchise bien les enjeux de l'élection."
Ce qui n'empêche pas M. Mélenchon de continuer à lancer quelques piques: "La campagne de Hollande ? C'est celle de Lionel [Jospin] en 2002 : il pense que le candidat de droite est battu d'avance. Les gens n'ont pas envie de ça." Et de marquer sa différence sur la retraite à 60 ans "sans entourloupe", ou sur son projet "sans paragraphe modifié en cours de route", en allusion à l'accord entre le PS et Europe Ecologie-Les Verts.
Lors d'un entretien à l'AFP, le 2 janvier, M. Mélenchon n'a pas hésité à se présenter comme le candidat des socialistes : "Je suis autant le candidat des électeurs socialistes que François Hollande et, à certains égards, davantage." Une déclaration qui ne choque pas M .Laurent : "Je revendique cette formule. Toute une série de personnes ne savent plus où elles en sont et ont envie de se reconnaître dans une gauche nouvelle. Y compris des socialistes." "C'est de la gauche traditionnelle que vont venir les renforts, veut croire M. Mélenchon, qui oscille dans les sondages entre 5 % et 7 % des intentions de vote. Je viens de leurs rangs quand même !"
"DANS LES LUTTES OUVRIÈRES, OÙ EST LE FN ?"
Pourtant, ce n'est pas sur M. Hollande que M. Mélenchon a concentré ses attaques, mercredi, lors de ses vœux à la presse. Appelant à un "grand chamboule-tout", le candidat du Front de gauche a fait un souhait : "Voir la France tourner la page du système Sarkozy." Le qualifiant d'"homme d'un système à l'agonie", il a fustigé le chef de l'Etat, "père de l'Europe 'austéritaire' et responsable de la moitié de la dette publique du pays".
Marine Le Pen n'échappe pas non plus aux critiques. Un peu plus tôt, il avait dénoncé "l'imposture" de la candidate du Front national. "Dans les luttes ouvrières, où est le FN ? Nulle part. C'est une chose de dire qu'on est la candidate des ouvriers, c'en est une autre de convaincre. Le blocage des loyers ? Elle est contre. L'augmentation des salaires ? Elle est contre. La retraite à 60 ans ? Elle est contre."
"Janvier, c'est un mois d'assaut !", a lancé M. Mélenchon. Le prochain est prévu le 18 janvier, à Metz, le jour du sommet social organisé par le gouvernement. En attendant, l'eurodéputé sera le 12 janvier l'invité de "Des paroles et des actes" sur France 2. L'occasion pour son équipe d'organiser les désormais traditionnelles "écoutes collectives" chez des particuliers ou dans des bars.
Puis, celui qui "vise un score à deux chiffres" sera à Nantes le 14 janvier pour un meeting où son staff espère "3 000 à 4 000 personnes". "On devrait avoir touché un électorat plus large fin janvier à travers les meetings", estime Eric Coquerel, un des lieutenants de M. Mélenchon.
Raphaëlle Besse Desmoulières
Légende photo : Jean-Luc Mélenchon devant le palais de justice d'Amiens, avant le procès de Xavier Mathieu, leader des Conti, le 4 janvier. AFP/DENIS CHARLET
Source : Le Monde
Samedi 07 janvier 2012