Dans des courriers adressés adressés à la justice, que «le Parisien» - «Aujourd'hui en France s'est procurés (voir ci-dessous), l’ancien maire socialiste d’Hénin-Beaumont, Gérard Dalongeville, dénonce un système de financement occulte de la fédération PS du Pas-de-Calais. Les soupçons ont contraint Martine Aubry à lancer une enquête interne.
Elle avait été alertée dès novembre par un courrier accusateur d’Arnaud Montebourg. A l'orée d'une campagne présidentielle qui s'annonce très dure face à Nicolas Sarkozy, l'urgence est de déminer au plus vite le dossier, dans cette fédération où François Hollande compte de nombreux amis. Décryptage de l'affaire en quatre points.
1 Celui par qui le scandale est arrivé
Gérard Dalongeville, 41 ans, ex-maire (PS) d’Hénin-Beaumont, est à l’origine de toute l’histoire. Elu en 2001, sa gestion se révèle calamiteuse. Par deux fois, en 2004 et en 2008, la chambre régionale des comptes constate un déficit de 12 M € dans les caisses de la commune. Suspendu de son mandat, il sera révoqué par décret présidentiel le 27 mai. La justice s’en mêle. Une enquête est ouverte. Le 7 avril 2009, des policiers perquisitionnent le bureau de Dalongeville. Dans un coffre, ils trouvent 13 000 € en liquide. Dalongeville est incarcéré. « Il s’est senti lâché », décrypte un ancien proche. Dans sa cellule, Dalongeville craque. « L’argent du coffre, c’est celui du parti », écrit-il à la juge de Béthune, Véronique Pair. L’ex-élu, très coopératif et placé sous contrôle judiciaire, dénonce une série de surfacturations destinées, par le biais de rétrocommissions, à l’enrichissement personnel de quelques-uns et au financement occulte de la fédération PS du Pas-de-Calais.
2 Un système de financement bien huilé
Il reposerait sur la complicité d’élus locaux, la « bonne volonté » de sociétés amies et, au besoin, l’intervention musclée de quelques gros bras. Le système consisterait à surfacturer des prestations — encarts publicitaires, aménagement de terrain — pour récupérer, ensuite, des rétrocommissions. Il se structurerait autour de deux entreprises. Adévia, une société d’économie mixte dirigée par le député-maire de Liévin, Jean-Pierre Kucheida. Et la Soginorpa, chargée de gérer 62000 logements sociaux sous la houlette d’un établissement public, l’Epinorpa, que préside également Kucheida. Le patrimoine de la Soginorpa est évalué à 2,5 M€ et sa gestion, critiquée par la chambre régionale des comptes, pourrait la mettre en péril, estime le syndicat CFDT. Un audit, réalisé à la demande du syndicat, a mis en lumière des dépenses par carte de crédit, réalisées sur le compte de la Soginorpa au nom de Jean-Pierre Kucheida. L’état des comptes fait aussi apparaître le versement de 3 407 € en 2009 correspondant au prêt d’un véhicule. L’élu affirme qu’il a tout remboursé.
3 La justice s’est saisie de l’affaire
Une enquête pour « détournement de fonds publics, faux en écriture et favoritisme » est actuellement instruite par la juge de Béthune, Véronique Pair. Elle s’est enrichie d’un volet « extorsion de fonds », à la suite de plaintes, déposées en juillet 2009, par des entrepreneurs de la région. Selon nos informations, une enquête préliminaire pour « financement occulte de parti » a été ouverte à Lille, au printemps. « Le parquet devrait s’intéresser à d’éventuels enrichissements personnels et des abus de biens sociaux », indique une source proche du dossier. L’ouverture d’une information judiciaire, confiée à un juge, serait « imminente », selon cette même source.
4 Une éventuelle bombe à retardement pour le PS
D’abord limitée à la ville d’Hénin-Beaumont, l’affaire s’est progressivement étendue à la fédération du Pas-de-Calais et pourrait toucher les instances nationales du PS. Alors que Martine Aubry a annoncé, hier, l’envoi sur place d’une commission d’enquête interne, les élus locaux serrent les rangs. Jean-Pierre Kucheida peut compter sur le soutien sans faille de Catherine Génisson, patronne de la fédération du Pas-de-Calais. « C’est un ami », nous a confirmé celle qui, en 2009, a exclu Dalongeville du parti. Kucheida se prévaut également de très forts liens d’amitié avec Daniel Percheron, l’actuel président du conseil régional. « Nous nous connaissons depuis quarante ans », indique-t-il. Kucheida, qui affirme n’avoir jamais été convoqué par la justice, est persuadé que ses ennuis viennent d’Arnaud Montebourg. A l’Assemblée nationale, leurs bureaux sont voisins. « Il m’en veut, j’ignore pourquoi. S’il avait quelque chose à me reprocher, il pouvait me le dire. »
LIÉVIN (PAS-DE-CALAIS), LE 8 SEPTEMBRE. Jean-Pierre Kucheida, le député-maire de Liévin, ici au micro, avait reçu François Hollande lors des primaires socialistes. | (THIERRY THOREL.)
Élisabeth Fleury, Sébastien Ramnoux et Eric Hacquemand
Source : Le Parisien/Aujourd'hui en France
Vendredi 9 décembre 2011