Le secrétaire national du PCF s'offre une nouvelle visibilité lors de la Fête de l'Humanité où il oeuvre pour resouder socialistes, écologistes et communistes. De quoi faire un peu d'ombre à un certain Jean-Luc Mélenchon.
Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a réussi son pari de rassembler samedi autour de lui à la fête de l'Humanité, lors d'un déjeuner, les forces de gauche opposées au choix économique de l'exécutif. Un rendez-vous symbolique à trois jours du vote de confiance à l'Assemblée nationale. Même si tous ne partageaient pas sa volonté de construire «une alternative à gauche» ou de faire tomber Manuel Valls, si possible dès mercredi, tous se sont dits soucieux de retisser des liens entre socialistes, écologistes et communistes.
«La fête de l'Humanité est un grand lieu d'expression populaire, de débats, c'est particulièrement nécessaire en ce moment». Assis en face de Pierre Laurent, au milieu d'une grande tablée sur le stand de la Côte d'Or, le député socialiste Christian Paul, frondeur proche de Martine Aubry, est venu avec cet objectif, «alors même que les relations sont distendues depuis deux ans». Si le vote de confiance était dans tous les esprits, Christian Paul a esquivé la question : «Personne n'est là venu pour débattre de l'abstention, mais pour savoir si la gauche va continuer à vivre.»
Autre aubryste frondeur, Jean-Marc Germain, est venu lui aussi pour marquer sa volonté de «réécrire une histoire commune à la gauche». Et même s'il ne partage pas exactement les mêmes options que Pierre Laurent. Pour lui, l'alternative est «une forme d'opposition». Il veut plutôt «bâtir collectivement une feuille de route pour les trois ans à venir dans laquelle les communistes et les écologistes puissent se reconnaitre». «Nous ne voulons pas une majorité alternative, nous voulons une majorité vraiment à gauche». Nuance. Comme l'explique un autre frondeur Jérôme Guedj, «le PS doit être le fil de plomb de l'union de la gauche».
Pas question pour Germain, pas plus que pour Paul ou les autres socialistes ou même la députée écologiste Cécile Duflot - venue vendredi à La Courneuve -, de voter contre la confiance. «Nous voulons une réorientation de la politique mais nous ne voulons pas le retour de la droite», a expliqué Germain. Il sait que «ce discours pouvait être difficile à comprendre» pour certains. Pour Jean-Luc Mélenchon et ses proches certainement, qui souhaitent le renversement de Manuel Valls et attendent avec une certaine impatience le vote.
«Le 16 septembre, ce sera la séance de rattrapage pour ceux qui ont déjà eu la possibilité au printemps de faire tomber le gouvernement», a prévenu Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche. En résumé, s'ils ne font pas ce qu'il faut pour faire tomber Valls, plus question de déjeuner ensemble. Jean-Luc Mélenchon a accepté du bout des lèvres de participer au déjeuner, partant discrètement au milieu. «Nous avons accepté l'invitation, a précisé Coquerel, car les députés frondeurs ne sont pas des représentants officiels du PS, sinon nous ne serions pas venus». Sur ce point, les tensions entre le PCF et le PG restent réelles et pourraient bien s'accroitre encore après le vote de mardi. Contrairement à Mélenchon, ce vote ne sera pas un test définitif pour Laurent. Il connait la position des frondeurs. «Notre objectif à cette étape explique le député PS de Paris Pascal Cherki, ce n'est pas de faire tomber le gouvernement. Je ne suis pas un opposant, je suis en désaccord.»
Pierre Laurent sait que les députés communistes, à quelques exceptions près, seront sans doute les seuls à voter contre la confiance. Et même lors de son traditionnel discours aux autorités politiques invitées à La Courneuve, il a lancé un appel aux parlementaires qui «ne se reconnaissent pas dans les choix actuels du gouvernement» à suivre leur exemple, le secrétaire national sait «que beaucoup ne voteront pas contre». «Mais ils seront plus nombreux qu'au printemps à s'abstenir», a indiqué celui qui veut surtout «retenir la dynamique en train de se créer». Une dynamique dont il bénéficie en terme de visibilité médiatique, et au sein du Front de gauche. Même s'il ne partage que peu d'options politiques avec lui, contrairement à d'autres écologistes présents au repas comme le secrétaire national adjoint David Cormand, le sénateur Jean-Vincent Placé a tenu à se rendre à La Courneuve, signe de la place prise par Pierre Laurent sur l'échiquier de la gauche. Une place prise au détriment de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a plaidé samedi en faveur de la VIe République. Il veut désormais «dépasser» le Front de gauche.
Sophie de Ravinel
Légende photo : Cécile Duflot et Pierre Laurent, vendredi, à La Courneuve. Crédits photo : KENZO TRIBOUILLARD/AFP
Source : Le Figaro
Samedi 13 septembre 2014